Hiver 1939, mon grand-père repose son journal sur la table basse qui nous sépare, son visage reflète une sorte de lassitude et de colère contenue, que je ne lui connais pas.
Lorsque je lui en demande la raison, il explose ; ses joues s'empourprent et ses mains se mettent à trembler.
- Ils sont devenus fous ! Tout recommence ! Ils n'ont pas été capables de tirer les enseignements du conflit précédent. On avait dit "plus jamais ça", mais ils refont les mêmes erreurs. Je ne pensais pas devoir revivre ça. Si j'avais su, je me serais laisser crever à Verdun !
Lui, habituellement si calme et mesuré, est rouge de colère. Il crie presque, laissant éclater sa rage et sa haine à l'encontre des politiciens qui nous gouvernent.
- Tu te trouvais à Verdun ? Tu ne m'en a jamais rien dit.
Il plante ses yeux dans les miens, semblant fouiller mon cerveau. Son regard se fait plus intense et pénétrant, empli de gravité.
- Oui, j'y étais, mais je ne l'ai jamais raconté à qui que ce soit. Personne ne m'aurait compris, ni même cru. Je vais te relater ce que j'ai vécu là-bas, mais ce sera la première et la dernière fois. Ne m'interromps pas !
Son regard se perd dans le vide, il voit à travers moi, au loin vers la Meuse, il y a vingt-trois ans...
La réalité a-t-elle été si terrible qu'on le dit ?
Ce récit est basé, notamment, sur des témoignages de poilus, et des courriers (passés à travers le filtre de la censure) ; ceux des hommes qui ont combattu à Verdun, sur la Somme, au Chemin des Dames ou ailleurs...