Aspasie donnait un bal.
Pour dire la vraie vérité, Aspasie s'appelait Marguerite.
Mais il serait convenable avant tout de prendre un juste milieu entre les bourgeois féroces qui veulent que chaque lorette soit la fille d'un portier, et le gandin naïf qui les croit issues des Montmorency par les femmes.
Donc il faut vous dire la provenance de Marguerite qui se nommait Aspasie.
Aspasie était la fille d'un petit employé qui avait fait des miracles, avec ses dix-huit cents francs pour élever sa famille.
Il avait fait un sous-lieutenant de son fils, il voulait que sa fille entrât dans un pensionnat.
Et comme Marguerite, à dix-sept ans, était gentille, spirituelle et gaie, elle avait jeté son bonnet par-dessus le chapeau d'un joli garçon, en guise de moulin.
Ce joli garçon était un acteur.
Marguerite était entrée au théâtre ; de dix-huit à vingt-six ans, son existence avait été celle de toutes les femmes qui adoptent la carrière dramatique comme un moyen et non comme une profession.
Elle avait flotté constamment entre douze cents francs et deux mille d'appointement, entre un sixième d'agent de change et un bon commerçant rangé, entre un mobilier non payé et toujours saisi et la perspective d'un coupon de rente constamment promis à la veille d'une rupture.