Si l'origine d'une révolution est parfois rationnelle, il ne faut pas oublier que les raisons invoquées pour la préparer n'agissent sur les foules qu'après s'être transformées en sentiments. Avec la logique rationnelle, on peut montrer les abus à détruire, mais pour mouvoir les multitudes, il faut faire naître en elles des espérances. On n'y arrive que par la mise enjeu d'éléments affectifs et mystiques, donnant à l'homme la puissance d'agir. A l'époque de la Révolution française, par exemple, la logique rationnelle, maniée par les philosophes, fit apparaître les inconvénients de l'ancien régime et suscita le désir d'en changer. La logique mystique inspira la croyance dans les vertus d'une société créée de toutes pièces d'après certains principes. La logique affective déchaîna les passions contenues par des freins séculaires et conduisit aux pires excès. La logique collective domina les clubs et les assemblées et poussa leurs membres à des actes que ni la logique rationnelle, ni la logique affective, ni la logique mystique ne leur aurait fait commettre.