Pour Paul Claudel, il s'agit "d'un album de lithographies épiques et paniques", rien de moins que "le chef-d'oeuvre du grand poète". Victor Hugo a écrit L'homme qui rit en deux années, de 1866 à 1868, peu de temps après la publication des Travailleurs de la mer.
S'il demeure parmi les plus méconnus des romans d'Hugo, qui souffrit même de son insuccès, L'homme qui rit est un impressionnant tableau de l'Angleterre aristocratique de l'orée du XVIIIe siècle, au temps de la reine Anne. C'est l'histoire d'un enfant, Gwynplaine, marqué par une cicatrice qui lui donne en permanence un rire affreux, recueilli avec Dea, jeune fille aveugle, par Ursus, curieux vagabond, philosophe misanthrope, trimbalant avec lui un loup à la discrétion d'un caniche.
Ensemble, ils vont constituer une compagnie de mimes, jusqu'à ce que l'on reconnaisse, à Londres, en cet homme balafré, un pair du royaume, le baron Clancharlie. Retrouvant sa place à la Chambre des lords, il se fera l'ardent défenseur des humbles et des misérables... C'est là une formidable épopée, mêlant l'idylle, l'apocalypse et la fantaisie, aux images et au vocabulaire éblouissants, partagée entre l'ombre et la lumière, le bien et le mal, l'ironie et l'humour noir.
On a reproché à l'auteur d'y mettre trop de décors, trop de personnages, de prendre trop de libertés avec la réalité historique, d'aligner trop de bravoure et de coups de théâtre. C'est précisément dans cette exagération, dans ce foisonnement baroque que L'homme qui rit trouve sa richesse et sa superbe. - Céline Darner