Des deux côtés de l'ouverture les lèvres gonflent, charnues, turgescentes, semées d'un duvet épars qui va s'épanouissant plus haut en une somptueuse chevelure perlée de sueur et de salive. Et chaque fois que je manifeste le désir de les dévorer des miennes, elles se baissent sur moi, se donnent, moites, écarlates, déchirées.
L'an de disgrâce 1965, l'année du Serpent. Au Vietnam la mission civilisicide planétaire millénaire de l'homme blanc sévit son plein, bat point d'orgue à coups de napalm, de dioxine, de B-52, de porte-avions nucléaires. A ras de rizière au fin fond du delta du Mékong deux adolescentes niacouées se jettent dans la bataille.
Né à Saigon l'année où a eu lieu la bataille de Diên-Biên-Phu, Vân Mai nous assène ici un premier roman massue, à la fois tendre et violent, ouvrir bordée, trois boulets rouges exploser ancestral mensonge blanc. Vous êtes en train de feuilleter un objet unique dans les annales : le roman noir de l'homme blanc, l'homme blanc rattrapé par l'Histoire, par le collet. Ce n'est pas tous les jours.