Comme il le faisait chaque matin, M. Lahuche, conducteur de la voie à Pierrelatte, fumait sa pipe à la porte de son bureau.
Coiffé d’une casquette russe de drap bleu, le torse solide moulé dans un veston officier de velours à côtes, des leggins de cuir coignant ses robustes mollets, il se distrayait, avant de commencer sa besogne journalière, à voir s’arrêter le train de 8 h. 46, y monter et en descendre les nombreux voyageurs.
Or, ce matin-là, comme le train stoppait, M. Lahuche fut assez surpris de voir le garde-ligne Frégière sauter d’un compartiment de troisième classe et se diriger hâtivement vers lui, la figure toute bouleversée, et l’air en proie à une émotion considérable.
— Eh bien ! Frégière, qu’est-ce qui vous arrive ? demanda le conducteur de la voie, en faisant pénétrer son subordonné dans son bureau.
L’autre tomba sur une chaise, et, après un petit temps de silence :
— Ma foi, Monsieur, il m’est arrivé une chose bien extraordinaire.
— Un accident ?… Un homme broyé ?…
— Rien de tout ça !… Heureusement, il n’y a ni déraillement ni mort d’homme… Tout de même…