La rue commence au chevet de l’église et finit à la berge du canal. En été, quand le soleil baisse, l’ombre du clocher s’allonge sur les pavés humides où l’herbe arrachée repousse toujours. Les maisons à pignon et à colombage, accotées l’une à l’autre de guingois, sont expressives comme ces maisons animées qu’on voit dans les tableaux de «diableries». N’est-pas Breughel ou Bosch qui a dessiné leurs façades, ouvert les yeux glauques de leurs croisées, et planté sur leur chef caduc un beau hennin pointu en tuiles rouges?
Au bout de la rue, l’église Sainte-Ursule-et-les-Vierges monte comme un rempart, tout hérissée de flèches, d’arcs-boutants et de gargouilles. Le jour, on ne distingue pas les verrières, éteintes et fanées parmi les réseaux noirs du plomb, mais les soirs de fête, quand les chapelles intérieures s’allument, une floraison miraculeuse, feu, émail, pourpre et saphir, apparaît dans les lancettes sombres des ogives.