Je venais de traverser la Perse, du Caucase au golfe Persique, de la Gédrosie à la Susiane, lorsque je pris, à Bouchyr, le bateau qui devait me rapatrier. Les hautes montagnes du Fars s'évanouissaient à l'horizon; je leur dis un adieu que je croyais éternel. Fatigués, malades, anémiés par la fièvre, M. Dieulafoy et moi revînmes en France avec le ferme dessein de ne plus nous désaltérer à des sources étrangères. Peut-être devions-nous cette torpeur morale à un état de santé fort précaire.
Six mois plus tard, je songeais aux naïades de l'Iran: le souvenir de Suse hantait les nuits de mon mari. Il reconstruisait par la pensée ces palais des Achéménides, où la Grèce, l'Égypte et l'Asie occidentale avaient apporté leurs hommages et leurs trésors; devant lui s'assemblait cette innombrable armée de Xerxès, partant de Suse pour les rivages d'Ionie; il entendait les lamentations d'Atossa au récit du désastre de Salamine et le péan glorieux entonné par les Grecs sur les décombres fumants de Persépolis.
Marcel s'ouvrit à M. de Ronchaud, l'éminent directeur des Musées nationaux; il lui parla de nos impressions en face du Memnonium, de l'incontestable antiquité des tumulus susiens, de l'intérêt des fouilles à pratiquer dans cet Élam si lointain. De ces entretiens naquit le projet le plus révolutionnaire que l'on pût diriger contre notre désir de vivre les pieds sur les chenets: mon mari acceptait une somme de trente et un mille francs provenant d'un reliquat de crédit affecté aux musées, et s'engageait à commencer les fouilles de Suse avec ce modeste viatique.