Le Père Kouzma, assis devant son bureau de bois blanc, jauni par les années et orné d'innombrables taches d'encre de toute taille, préparait laborieusement un sermon pour le premier dimanche de Carême.
À cette époque, comme aujourd'hui d'ailleurs, mais plus encore qu'aujourd'hui, les prêtres de paroisse en Russie n'abusaient guère des sermons. Cinq ou six fois par an, tout au plus, ils s'adressaient à leurs ouailles : celles-ci, debout, la tête basse, recevaient ce supplément d'office divin à peu près avec la même résignation qu'une ondée au sortir de l'église ; ce devoir accompli de part et d'autre, c'est avec un soulagement véritable que le pasteur et les brebis se séparaient amicalement.
Qu'importait le dogme à ces âmes simples, profondément croyantes ; et, d'un autre côté, quelle habileté ou quelle connaissance du coeur humain ne faut-il pas pour trouver ces paroles émues qui vont au coeur des plus humbles, des moins civilisés, et qui toucheraient des êtres fatigués par la vie, usés par le travail, indifférents presque à tout sous le joug du servage, et résignés d'avance à toutes les calamités ?