Efforts humains, largesses du Prince, cérémonies religieuses, rien ne pouvait conjurer la rumeur flétrissante qui attribuait à Néron l'ordre de l'incendie. Pour faire cesser ces bruits, Néron accusa du crime et fit livrer à des tortures inusitées ces hommes détestés pour leurs infamies et que le peuple appelait chrétiens. Ce nom vient de Christ qui, sous le règne de Tibère, fut condamné au supplice par le procurateur Ponce-Pilate.
Sur la foi d'un tel témoignage, ce drame aussi épouvantable qu'étrange a été considéré comme un fait acquis à l'histoire, il a semblé incontestable que sur les ruines fumantes de Rome Néron ait versé le sang d'hommes héroïques et pieux, dont les fils devaient un jour jeter bas du Capitole les dieux de l'Olympe et la statue de la Victoire pour y planter la croix du Christ.
Les savants qui de nos jours se sont occupés de l'histoire de l'empire romain et de celle des premiers siècles du christianisme, n'ont pas mis en doute l'authenticité du texte de Tacite.
Dans cet ouvrage, nous avons acquis la conviction que ces pages n'ont pu être écrites par Tacite ; nous constaterons que la plume du faussaire est celle d'un moine du moyen Age ; nous verrons qu'il a introduit dans l'oeuvre de l'historien romain des expressions et même des phrases entières prises dans des auteurs ecclésiastiques ; nous reconnaîtrons, par l'examen des documents historiques, qu'il n'y a pas eu de persécution de chrétiens sous Néron ; nous rechercherons alors comment cette légende s'est formée et quelles ont été les diverses phases de son développement.