Selon certains biographes, ce serait par mélancolie devant le peu de succès obtenu par une de ses pièces de théâtre, Pertharite, que Corneille aurait entrepris de versifier en français l'Imitation de Jésus-Christ depuis le latin. Selon d'autres, son confesseur, Pierre Séguier, lui aurait imposé cette tâche titanesque à titre de pénitence, à cause d'une autre pièce un peu leste, (L'occasion perdue recouverte) qui avait fait scandale. Quoiqu'il en soit, les premiers chapitres de sa traduction connurent un tel triomphe qu'il fallut les rééditer trente-deux fois. De 1651 à 1656 il complète l'ouvrage, jusqu'à plus de treize mille vers, alternant le plus souvent alexandrins et octosyllabes. Si le poète a su contenir tout du long sa plume dans le carcan étroit de la prosodie française, comme elle s'était pliée auparavant aux règles unitaires la tragédie, le résultat n'a rien d'un décalque stérile, mais dépasse souvent l'original : Corneille a plus paraphrasé que traduit. Lisant à haute voix ces vers vieux de quatre siècles, le chrétien ne manquera pas de se sentir encore transporté par les vraies beautés poétiques et théologiques qu'il y rencontrera.