Un homme qui philosophait de la bonne manière, c’est-à-dire pour son propre salut, me vint conter un jour une vision qu’il avait eue, et qui, disait-il, lui expliquait une longue suite d’erreurs énormes, et qui sont peut-être toutes vraies. Il se trouvait donc en wagon, laissant errer ses yeux sur un paysage de collines, lorsqu’il vit sur une des pentes, et grimpant vers un village, un monstre à grosse tête, muni de puissantes ailes et qui se portait rapidement sur plusieurs paires de longues pattes ; enfin de quoi effrayer. Ce n’était qu’une mouche sur la vitre. Ce court moment de l’erreur et de la croyance l’enchanta. La vérité, disait-il, nous trompe sur nous-mêmes ; l’erreur nous instruit bien mieux. À son sens, toutes les visions de l’histoire pouvaient être comprises d’après cet exemple si simple, et par le bonheur d’avoir surpris notre connaissance en son premier état. Il allait vite ; et au contraire je compte avancer avec une extrême lenteur dans mon redoutable sujet. Mais, parce que la méthode que je veux suivre ici est peu pratiquée, il n’est pas mauvais que j’anticipe un peu, et que je présente au lecteur, sous une forme d’abord abstraite, l’idée directrice de la présente recherche.