J'offre aujourd'hui au public le tome troisième de l'Histoire de Luther. C'est le récit de ses derniers travaux, de ses derniers combats, et aussi de ses longues souffrances et de sa mort. Toute fin est triste ; celle de Luther a quelque chose de particulièrement mélancolique. La grande oeuvre est accomplie. L'ouvrier fatigué, malade, soupire après le repos, jette sa plainte à ses amis, pleure ses illusions perdues. Il n'attend plus que le jour de Dieu et la venue de son Christ ; il désespère du monde mauvais. La plainte est amère, et pourtant jamais, dans les heures même les plus sombres, aucun doute ne lui vient au coeur touchant touchant la sainteté de sa mission. Tout brisé qu'il soit par l'effort et la maladie, il reste debout jusqu'au seuil de la mort, fort et vaillant, aussi sûr de son Evangile que de son Dieu. Cette certitude intime et cette constante préoccupation du Ciel sont les deux notes caractéristiques de sa vie.
Je me suis efforcé de bien faire apparaître sous son vrai jour, serein et triste à la fois, cette dernière période si peu connue encore parmi nous. Les années que j'ai passées dans le commerce familier de cette grande âme, ont été pour moi infiniment bienfaisantes ; aussi est-ce avec regret que je me sépare aujourd'hui de cette étude à laquelle j'ai consacré tant d'heures bénies et tant de veilles. Quelles qu'en soient les imperfections, le lecteur y trouvera, je pense, les deux vertus qu'on est en droit d'attendre de l'historien : une recherche exacte des choses et le respect de la vérité.
Félix KUHN.
Paris, août 1884.