On est si peu habitué à traiter les faits sociaux scientifiquement que certaines des propositions contenues dans cet ouvrage risquent de surprendre le lecteur. Cependant, s’il existe une science des sociétés, il faut bien s’attendre à ce qu’elle ne consiste pas dans une simple paraphrase des préjugés traditionnels, mais nous fasse voir les choses autrement qu’elles n’apparaissent au vulgaire ; car l’objet de toute science est de faire des découvertes et toute découverte déconcerte plus ou moins les opinions reçues. À moins donc qu’on ne prête au sens commun, en sociologie, une autorité qu’il n’a plus depuis longtemps dans les autres sciences ― et on ne voit pas d’où elle pourrait lui venir ― il faut que le savant prenne résolument son parti de ne pas se laisser intimider par les résultats auxquels aboutissent ses recherches, si elles ont été méthodiquement conduites. Si chercher le paradoxe est d’un sophiste, le fuir, quand il est imposé par les faits, est d’un esprit sans courage ou sans foi dans la science.