Écrire sur le thème « Antimaçonnisme, Francs-maçons et Résistance dans le Midi toulousain » (le cadre spatial de notre étude correspond en partie au découpage de la région R4 de la Résistance) est une gageure. Il s’avère que la Résistance d’inspiration maçonnique constitue sûrement l’aspect le plus méconnu et nébuleux de l’historiographie des combattants de l’ombre, pour plusieurs raisons : rareté des archives disponibles, bibliographie de qualité déjà existante (mais ne constituant souvent qu’une approche soit trop générale, soit spécifiquement monographique), quasi-silence compréhensible des acteurs et témoins de l’époque. À ce titre, l’histoire de la Résistance dans le Midi toulousain, et plus précisément de ses bases maçonniques, constitue, aujourd’hui encore, un champ d’investigation partiellement en friche, d’où aussi son caractère novateur pour l’historien, mais également très symbolique pour le maçon (5).
Dès lors, nous avons tenté l’exercice dans le cadre d’un travail de mémoire (toujours nécessaire afin d’honorer celles et ceux qui nous ont précédés) et du devoir d’histoire et de vigilance. À ce titre, nous avons travaillé avec le souci du doute méthodique, de l’analyse critique et de l’honnêteté intellectuelle dus au respect pour les personnes, Francs-Maçons ou non, qui ont participé aux combats de la Résistance, et pour le lecteur (les archives de Daniel Latapie et les notices biographiques délivrées par le Service des Archives du Grand Orient de France ont, à ce titre, constitué un appoint capital).
Mais quels sont réellement la spécificité de l’antimaçonnisme et le caractère inédit de l’implication des Francs-Maçons dans la Résistance en R4 ?
Les archives maçonniques d’avant-guerre, essentiellement les livres d’architecture des Loges, évoquent naturellement le contexte de la montée du fascisme en Europe, avec par exemple la planche du Frère Silvio Trentin, en 1935, qui prouve que les ateliers maçonniques avaient senti la menace. Pourtant, sans doute à cause du souvenir encore présent de la Première Guerre mondiale, c’est plus le pacifisme et l’esprit munichois qui s’expriment à ce moment-là dans les Loges, qu’une véritable prise de conscience de la barbarie et de l’inhumain qui étaient déjà à l’œuvre et dont la campagne d’Éthiopie et la Guerre civile en Espagne étaient la terrible illustration.