Sur la supplique de Pauline, Louis a renoncé à son activité annuelle de guide-accompagnateur en Espagne et donné sa démission (tome 29). Il ne renie cependant rien de ces dix années qui lui ont tant appris. Mais le métier, épuisant, a perdu l'attrait d'un pays s'ouvrant au monde après la guerre. Les voyages se sont prolétarisés et la clientèle des congés payés est de plus en plus vulgaire et décevante. Et sous l'assaut de ce tourisme de masse, la péninsule perd peu à peu son originalité jusque-là préservée derrière la formidable barrière des Pyrénées.
En cet été 1959, après ces quelques mois écoulés depuis sa rencontre miraculeuse avec Pauline et son mariage (tome 28), c'est l'heure d'un premier bilan : le garage, en éternel déficit, a été vendu ; il est châtelain, propriétaire d'un domaine de 100 hectares en Provence, et comte, un titre nobiliaire négligé par Joseph, son père, qu'il a décidé de se réapproprier ; il est chef d'une nouvelle famille, dont Armel, son fils de 17 ans longtemps délaissé, est maintenant partie intégrante ; et enfin, et surtout, il fait le bonheur d'une femme infiniment estimable, digne et courageuse.
Ses projets immédiats : passer son permis de conduire ; mettre sur pied la Société des amis de Charles Gailland, un peintre grenoblois qu'il a pris sous son aile ; conforter l'avenir d'Oliver, 16 ans, second fils adoptif de Pauline, ce canard boiteux réfractaire aux études et adepte des fréquentations douteuses, en l'envoyant vivre et travailler au domaine. Avec en toile de fond son oeuvre littéraire, hélas temporairement occultée par les tracas de sa nouvelle vie.
Mais il y a un nuage dans ce ciel autrement limpide : Dominique, l'aîné de Pauline, un garçon de 19 ans fier et orgueilleux dont il n'a pas réussi à percer la cuirasse, ne lui pardonne pas d'avoir pris sa place de mâle dominant dans la maison, et il va bientôt le lui faire savoir...